mercredi 6 novembre 2013

Premier de cordée

Le film « Premier de Cordée » a été présenté à Paris au Cinéma Marivaux le 23 février 1944, sous la présidence du Colonel PASCOT, Commissaire Général aux Sports, au cours d’une soirée de gala à laquelle assistaient ; MM. Abel BONNARD, Ministre de l'Education Nationale, Henry de SEGOGNE, Commissaire Général au Tourisme et ancien chef de l'expédition française à l'Himalaya, et de nombreuses personnalités.
Cette soirée a été l’occasion d’une manifestation de sympathie à l’égard du C. A. F. qui avait apporté le concours de ses refuges à la réalisation du film. La Section de Paris avait organisé un service d’honneur à l’entrée de la salle et sa chorale se fit entendre sur scène.
Quelques jours après, la Section Lyonnaise et la Section du Forez donnaient à Lyon et à Saint-Etienne des représentations de gala qui remportèrent un succès considérable. Des programmes artistiques avaient été imprimés spécialement pour la circonstance.
A Lyon, le metteur en scène Louis DAQUIN présenta lui-même son film. Le 17 mars enfin, une nouvelle soirée, réservée cette fois aux membres du C. A. F., avait lieu à Paris. Ces représentations furent complétées par la projection du remarquable documentaire d’Alain POL "Autour d’un film de montagne", reportage pittoresque sur les prises de vue en montagne de "Premier de cordée".
Après quelques productions étrangères comme "Prisonniers de la Montagne" d’Arnold FANCK, "Premier de cordée" apparaît donc comme le premier grand film français d’alpinisme. "Premier de cordée" a été réalisé par Pathé Cinéma et l’Ecran Français, avec des moyens importants; un matériel considérable a été transporté en haute montagne où 60 hommes ont vécu pendant plusieurs semaines. Le metteur en scène Louis DAQUIN, avec un louable souci de la vérité, est allé tourner sur les sommets des scènes audacieuses, où des artistes et des techniciens qui ne sont pas des alpinistes ont du faire preuve de courage et de témérité. Il a fallu à Louis DAQUIN et à ses collaborateurs beaucoup de persévérance pour mener à bien leur tache, car ils ont été desservis par la malchance. Divers accidents les ont en effet obligés à recommencer plusieurs fois leur travail; mais ils ont triomphé de toutes les difficultés et leur plus grand mérite a été de savoir s’effacer devant la montagne, qui reste la grande vedette du Film. Le scénario du film tiré du célèbre roman de FRISON ROCHE a interverti les données. C’est ainsi que l’épisode de l’orage des Drus qui se situe au début du roman a été reporté à la fin du film, ceci sans doute pour en renouveler l'intérêt dramatique et lui donner une allure plus cinématographique. C’est donc en allant arracher à la paroi le corps de son père que Pierre Servettaz vaincra le vertige et affirmera sa vocation de guide, métier dont "le Père" avait voulu l’écarter pour lui en éviter les dangers et le soustraire à l’emprise que la Montagne exerce sur ceux qui se sont livrés à elle. La mort du Père aura tracé le devoir du Fils.
Pour rompre l'austérité des ascensions en montagne, des scènes accessoires ont été insérées dans le Film. Certaines sont tirées du roman comme le combat de vaches dont la réalisation est réellement sensationnelle, mais d’autres sont moins bien venues, car l’ambiance n’est pas toujours respectée et quelques-unes sont de fâcheuses concessions au public. Il est aussi a remarquer que le vertige doit être une impression plus personnelle que la giration d'images qu’on nous montre. On ne 1’éprouve pas suffisamment avec Pierre Servettaz dont on ne réalise pas le triomphe. Peut-être aurait-il mieux valu le suggérer indirectement. Mais ce ne sont la que des critiques de détail ; le scénario n’a pas trahi le roman et il faut reconnaître que l’unité des séquences de montagne a été  généralement sauvegardée en ce sens qu’elles ne semblent pas avoir été tournées par fragments et dans des lieux différents. Quelques fautes techniques regrettables ont été omises, notamment dans le maniement de la cordée; le public, sans doute, ne s’en apercevra pas. Quant à l’excuse invoquée pour justifier l’absence de verglas dans le sauvetage des Drus, elle est évidemment faible (de vrais alpinistes seraient montés par la voie normale et redescendus ensuite au lieu de l'accident), mais pouvait-on exiger des réalisateurs du film de tourner sur des parois enneigées. L’interprétation est dans l’ensemble convenable. Irène CORDY apporte beaucoup de discrétion à son rôle, André LE GALL fait courageusement ses débuts d’alpiniste et d’artiste de cinéma dans ce film. Lucien BRONDEAU, Marcel DELAITRE, Roger BLIN et Maurice BAQUET campent des figures de guides très vraisemblables.
A gauche J Dufilho
La musique d’Henri SAUGUET est excellente. De même pour le bruitage, le vent sur les arêtes est particulièrement bien rendu. Enfin, la photographie de montagne, élément attractif dont Louis DAQUIN a eu le mérite d’user avec mesure, est souvent remarquable et rachète les imperfections du film. Elle est l’oeuvre d’un des plus brillants opérateurs du Cinéma français, Philippe AGOSTINI, et de ses assistants parmi lesquels Georges TAIRRAZ, le photographe bien connu des alpinistes. "Premier de cordée" sera accueilli avec sympathie par les alpinistes et nous ne doutons pas de son succès auprès du grand public.


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